Adriana Martinez : la danse est sa bonne étoile

Portraits

Guillaume Gesret

Adriana Martinez, alias B-girl Campanita, est l’une des meilleures danseuses de break de sa génération. Derrière ce petit bout de femme solaire, se cache un lourd passé qui constitue aussi sa force.

Dernière mise à jour : 02 mai 2024

À 18 ans seulement, Adriana fuyait une famille « dysfonctionnelle » avec un père violent et une mère addicte aux drogues, ainsi que son pays, le Venezuela, tombé entre les mains du dictateur Nicolás Maduro. Son passeport pour échapper à une vie qui allait mal finir ? Le break.

Elle ose défier les Bad Boys

C’est à l’âge de 15 ans que la jeune fille a découvert la danse hip-hop auprès d’un groupe de « bad boys » qui « tournaient sur la tête », tous les soirs, dans les rues d’un quartier pauvre de Caracas. « Je n’avais jamais vu de telles performances auparavant, j’ai eu envie de faire aussi bien qu’eux. J’étais la seule fille à oser les défier. » Sa petite taille et son tempérament bien trempé lui valent un surnom, Campanita, qui désigne La Fée Clochette en espagnol. 

Trois ans plus tard, alors qu’elle suit des études pour devenir architecte, le recteur de l’université ordonne aux étudiants de soutenir le régime de Nicolás Maduro qui vient de succéder à Hugo Chávez. Insoumise, elle refuse de participer à une manifestation de soutien montée de toutes pièces par le régime chaviste. La jeune fille rejoint alors un mouvement étudiant protestataire. Le 12 février 2014, elle descend dans les rues de Caracas, comme des milliers de personnes qui s’opposent pacifiquement au nouveau Président. « Les policiers ont tiré à balles réelles ce jour-là, je me suis mise à courir dans une ruelle pour sauver ma peau. Les balles sifflaient et ont fini par toucher un ami en pleine tête. Il s’est écroulé sur le sol, il est mort alors qu’il courait à côté de moi », raconte-t-elle en essuyant ses larmes.

Le break lui sauve la vie

À la suite de cette tragédie, plusieurs de ses proches sont arrêtés et torturés. Adriana se cache chez sa grand-mère mais comprend qu’elle doit rapidement quitter le pays. Elle traverse clandestinement la frontière du Venezuela et débarque sans argent à Cúcuta en Colombie. « Pour gagner des sous, je dansais dans la rue. Un gars m’a dit qu’il n’avait jamais vu une fille faire du break. Il m’a demandé d’où je venais et je lui ai raconté mon histoire. »

Adriana va être hébergée six mois chez les parents de ce garçon. En Colombie, Adriana remporte ses premiers battles et se qualifie pour des compétitions organisées en Équateur, au Chili, au Pérou, en Bolivie, en Argentine… Elle vit des money prices, empochés lors de ces rencontres hip-hop, et de la manche, qu’elle fait aux feux rouges en dansant avec les potes. En 2017, après une nouvelle victoire lors d’un battle à São Paulo au Brésil, elle gagne son billet pour une compétition aux Pays-Bas. « Danser en Europe, aux côtés des meilleurs B-boys et B-girls, je vivais un rêve. » Elle profite de sa venue sur le Vieux Continent pour faire un petit crochet à Paris « car je voulais absolument voir la tour Eiffel », nous raconte cette fan du dessin animé Ratatouille. En France, elle se fait voler tout son argent et son passeport. Le consulat du Venezuela refuse de l’aider. Au pied du mur, seule à Paris, elle est recueillie dans une famille qui l’emploie comme nounou.

Une artiste qui défend la place des filles

Adriana repart une nouvelle fois de zéro en s’intégrant à la communauté de danseurs hip-hop qui s’entraîne au Centquatre, près de la Villette. B-girl Campanita s’illustre dans les battles jusqu’à être considérée comme l’une des meilleures de France. En 2020, la patrie des droits de l’homme lui accorde le statut de réfugiée politique et, dans la foulée, Adriana crée l’association Entre B-girls. Son but est de promouvoir la place des filles dans le hip-hop. Installée à Nanterre depuis quelques mois et désormais intermittente du spectacle, Adriana est déjà liée à la Maison de la musique, qui lui ouvre une salle pour répéter et lui offre une date, à l’occasion du festival Premières Scènes hip-hop, le 5 décembre prochain. Elle y présentera un solo. « C’est la première fois que je chorégraphie un spectacle, la pièce s’inspire évidemment de ma vie. »

Petite bio

16 avril 1995 : 
naissance au Venezuela

2014 : 
elle fuit le régime du dictateur Maduro

2017 : 
elle découvre la France

2020 : 
elle obtient le statut de réfugiée politique

2024 : 
elle pose ses valises à Nanterre

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